premier, cherchant l’unité du moi dans les interstices, en quelque sorte, des états psychologiques, est amené à combler les interstices avec d’autres états, et ainsi de suite indéfiniment, de sorte que le moi, resserré dans un intervalle qui va toujours se rétrécissant, tend vers Zéro à mesure qu’on pousse plus loin l’analyse, tandis que le rationalisme, faisant du moi le lieu où les états se logent, est en présence d’un espace vide qu’on n’a aucune raison d’arrêter ici plutôt que là, qui dépasse chacune des limites successives qu’on prétend lui assigner, qui va toujours s’élargissant et qui tend à se perdre, non plus dans Zéro, mais dans l’Infini.
La distance est donc beaucoup moins grande qu’on ne le suppose entre un prétendu « empirisme » comme celui de Taine et les spéculations les plus transcendantes de certains panthéistes allemands. La méthode est analogue dans les deux cas : elle consiste à raisonner sur les éléments de la traduction comme si c’étaient des parties de l’original. Mais un empirisme vrai est celui qui se propose de serrer d’aussi près que possible l’original lui-même, d’en approfondir la vie, et, par une espèce d’auscultation spirituelle, d’en sentir palpiter l’âme ; et cet empirisme vrai est la vraie métaphysique. Le travail est d’une difficulté extrême, parce qu’aucune des conceptions toutes faites dont la pensée se sert pour ses opérations journalières ne peut plus servir. Rien de plus facile que de dire que le moi est multiplicité, ou qu’il est unité, ou qu’il est la synthèse de l’une et de l’autre. Unité et multiplicité sont ici des représentations qu’on n’a pas besoin de tailler sur l’objet, qu’on trouve déjà fabriquées et qu’on n’a qu’à choisir dans un tas, vêtements de confection qui iront aussi bien à Pierre qu’à Paul parce qu’ils ne dessinent la forme d’aucun des deux. Mais un empirisme digne de ce nom, un empirisme qui ne travaille