pour être du nouveau, ce ne sera pas nécessairement du révolutionnaire. Étudions plutôt les anciens, imprégnons-nous de leur esprit, et tâchons de faire, dans la mesure de nos forces, ce qu’ils feraient eux-mêmes s’ils vivaient parmi nous. Initiés à notre science (je ne dis pas seulement à notre mathématique et à notre physique, qui ne changeraient peut-être pas grand’chose à leur manière de penser, mais surtout à notre biologie et à notre psychologie), ils arriveraient à des résultats très différents, peut-être même inverses, de ceux où ils ont abouti. C’est ce qui me frappe tout particulièrement pour le problème que j’ai entrepris de traiter devant vous, le problème du changement.
J’ai choisi ce problème, parce que je le tiens pour capital, et parce que j’estime que, lorsqu’on s’est convaincu de la réalité du changement et qu’on a fait effort pour le ressaisir, tout se simplifie. Beaucoup de difficultés philosophiques, qui apparaissaient comme insurmontables, tombent. Non seulement la philosophie y gagne, mais la vie elle-même, notre vie de tous les jours — je veux dire l’impression que les choses font sur nous et la réaction de notre intelligence, de notre sensibilité et de notre volonté sur les choses — peuvent s’en trouver transformées et comme transfigurées. C’est que, d’ordinaire, nous regardons bien le changement, mais nous ne l’apercevons pas. Nous parlons du changement, mais nous n’y pensons pas. Nous disons que le changement existe, que tout change, que le changement est la loi même des choses ; oui, nous le disons et le répétons ; mais ce ne sont là que des mots, et nous raisonnons et philosophons comme si le changement n’existait pas. Pour penser le changement et pour le voir, il y a tout un voile de préjugés à écarter, les uns artificiels, créés par la spéculation philosophique, les