thèse que l’antithèse des diverses antinomies. Seule, une intuition supérieure (que Kant appelle une intuition « intellectuelle »), c’est-à-dire une perception de la réalité métaphysique, donnerait à la science métaphysique le moyen de se constituer. Le résultat le plus clair de la Critique kantienne est ainsi de montrer qu’on ne pourrait pénétrer dans l’au-delà que par une vision, et qu’une doctrine ne vaut, dans ce domaine, que par ce qu’elle contient de perception : prenez cette perception, analysez-la, recomposez-la, tournez et retournez-la dans tous les sens, faites lui subir les plus subtiles opérations de la plus subtile chimie intellectuelle, vous ne retirerez jamais de votre creuset que ce que vous y aurez mis ; tant vous y aurez introduit de vision, tant vous en retrouverez ; et le raisonnement ne vous aura pas fait avancer d’un pas au delà de ce que vous aviez perçu d’abord. Voilà ce que Kant a dégagé en pleine lumière ; et c’est là, à mon sens, le plus grand service que Kant ait rendu à la philosophie spéculative. Il a définitivement établi que, si la métaphysique est possible, ce ne peut être que par un effort d’intuition. — Seulement, ayant prouvé que l’intuition serait seule capable de nous donner une métaphysique, il ajouta : cette intuition est impossible.
Pourquoi la jugea-t-il impossible ? Précisément parce qu’il se représenta une vision de ce genre — je veux dire une vision de la réalité vraie, absolue, en soi — comme se l’était représentée Plotin, comme se la sont représentée en général ceux qui ont fait appel à l’intuition métaphysique : tous ont entendu par là une certaine faculté de connaître qui se distinguerait radicalement des sens et de la conscience, qui serait même orientée dans la direction inverse. Tous ont cru que se détacher de la vie pratique était tourner le dos à la vie pratique.
Et pourquoi l’ont-ils cru ? Pourquoi Kant l’a-t-il cru,