Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/187

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joigne la faculté d’accomplir des désirs et d’obéir à des ordres. Ce ne sera pas impossible, si la nature incline déjà par elle-même à tenir compte de l’homme. Il suffira que la condescendance dont témoignent certains événements se retrouve dans des choses. Celles-ci seront alors plus ou moins chargées d’obéissance et de puissance ; elles disposeront d’une force qui se prête aux désirs de l’homme et dont l’homme pourra s’emparer. Des mots tels que « mana », « wakonda », etc., expriment cette force en même temps que le prestige qui l’entoure. Ils n’ont pas tous le même sens, si l’on veut un sens précis ; mais tous correspondent à la même idée vague. Ils désignent ce qui fait que les choses se prêtent aux opérations de la magie. Quant à ces opérations elles-mêmes nous venons d’en déterminer la nature. Elles commencent l’acte que l’homme ne peut pas achever. Elles font le geste qui n’irait pas jusqu’à produire l’effet désiré, mais qui l’obtiendra si l’homme sait forcer la complaisance des choses.

La magie est donc innée à l’homme, n’étant que l’extériorisation d’un désir dont le cœur est rempli. Si elle a paru artificielle, si on l’a ramenée à des associations d’idées superficielles, c’est parce qu’on l’a considérée dans des opérations qui sont précisément faites pour dispenser le magicien d’y mettre son âme et pour obtenir sans fatigue le même résultat. L’acteur qui étudie son rôle se donne pour tout de bon l’émotion qu’il doit exprimer ; il note les gestes et les intonations qui sortent d’elle : plus tard, devant le publie, il ne reproduira que l’intonation et le geste, il pourra faire l’économie de l’émotion. Ainsi pour la magie. Les « lois » qu’on lui a trouvées ne nous disent rien de l’élan naturel d’où elle est sortie. Elles ne sont que la formule des procédés que la