Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/188

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paresse a suggérés à cette magie originelle pour s’imiter elle-même.

Elle procède d’abord, nous dit-on, de ce que « le semblable produit le semblable ». On ne voit pas pourquoi l’humanité commencerait par poser une loi aussi abstraite et arbitraire. Mais on comprend qu’après avoir fait instinctivement le geste de se précipiter sur l’ennemi absent, après s’être persuadé à lui-même que sa colère, lancée dans l’espace et véhiculée par une matière complaisante, ira achever l’acte commencé, l’homme désire obtenir le même effet sans avoir à se mettre dans le même état. Il répétera donc l’opération à froid. L’acte dont sa colère traçait le dessin quand il croyait serrer entre ses doigts un ennemi qu’il étranglait, il le reproduira à l’aide d’un dessin tout fait, d’une poupée sur les contours de laquelle il n’aura plus qu’à repasser. C’est ainsi qu’il pratiquera l’envoûtement. La poupée dont il se servira n’a d’ailleurs pas besoin de ressembler à l’ennemi, puisque son rôle est uniquement de faire que l’acte se ressemble à lui-même. Telle nous paraît être l’origine psychologique d’un principe dont la formule serait plutôt : « Le semblable équivaut au semblable », ou mieux encore, en termes plus précis : « Le statique peut remplacer le dynamique dont il donne le schéma. » Sous cette dernière forme, qui rappelle son origine, il ne se prêterait pas à une extension indéfinie. Mais, sous la première, il autorise à croire qu’on peut agir sur un objet lointain par l’intermédiaire d’un objet présent ayant avec lui la ressemblance la plus superficielle. Il n’a même pas besoin d’être dégagé et formulé. Simplement impliqué dans une opération presque instinctive, il permet à cette magie naturelle de proliférer indéfiniment.

Les pratiques magiques se ramènent à d’autres lois