Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/107

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indépendamment des services qu’elles peuvent rendre par leur association à une perception présente, les images emmagasinées par la mémoire spontanée ont encore un autre usage. Sans doute ce sont des images de rêve ; sans doute elles parais­sent et disparaissent d’ordinaire indépendamment de notre volonté ; et c’est justement pourquoi nous sommes obligés, pour savoir réellement une chose, pour la tenir à notre disposition, de l’apprendre par cœur, c’est-à-dire de substi­tuer à l’image spontanée un mécanisme moteur capable de la suppléer. Mais il y a un certain effort sui generis qui nous permet de retenir l’image elle-même, pour un temps limité, sous le regard de notre conscience ; et grâce à cette faculté, nous n’avons pas besoin d’attendre du hasard la répétition acci­dentelle des mêmes situations pour organiser en habitude les mouvements concomi­tants ; nous nous servons de l’image fugitive pour construire un mécanisme stable qui la remplace. — Ou bien donc enfin notre distinction de deux mémoi­res indépendantes n’est pas fondée, ou, si elle répond aux faits, nous devrons constater une exaltation de la mémoire spontanée dans la plupart des cas où l’équilibre sensori-moteur du système nerveux sera troublé, une inhibition au contraire, dans l’état normal, de tous les souvenirs spontanés qui ne peuvent consolider utilement l’équilibre présent, enfin, dans l’opération par laquelle on contracte le souvenir-habitude, l’intervention latente du souvenir-image. Les faits confirment-ils l’hypothèse ?

Nous n’insisterons, pour le moment, ni sur le premier point ni sur le second : nous espérons les dégager en pleine lumière quand nous étudierons les perturbations de la mémoire et les lois de l’association des idées. Bornons-nous à