Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/125

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Dans toute perception, en effet, il y a un ébranlement transmis par les nerfs aux centres perceptifs. Si la propagation de ce mouvement à d’autres centres corticaux avait pour réel effet d’y faire surgir des images, on pourrait soutenir, à la rigueur, que la mémoire n’est qu’une fonction du cerveau. Mais si nous établissions qu’ici, comme ailleurs, le mouvement ne peut produire que du mouvement, que le rôle de l’ébranlement perceptif est simplement d’imprimer au corps une certaine attitude où les souvenirs viennent s’insérer, alors, tout l’effet des ébranlements matériels étant épuisé dans ce travail d’adaptation motrice, il faudrait chercher le souvenir ailleurs. Dans la première hypothèse, les troubles de la mémoire occasionnés par une lésion cérébrale viendraient de ce que les souvenirs occupaient la région lésée et ont été détruits avec elle. Dans la seconde, au contraire, ces lésions intéresseraient notre action naissante ou possible, mais notre action seulement. Tantôt eues empêcheraient le corps de prendre, en face d’un objet, l’attitude appropriée au rappel de l’image : tantôt elles coupe­raient à ce souvenir ses attaches avec la réalité présente, c’est-à-dire que, supprimant la dernière phase de la réalisation du souvenir, supprimant la phase de l’action, elles empêcheraient par là aussi le souvenir de s’actualiser. Mais, pas plus dans un cas que dans l’autre, une lésion cérébrale ne détruirait véritablement des souvenirs.

Cette seconde hypothèse sera la nôtre. Mais, avant d’en chercher la vérifi­cation, disons brièvement comment nous nous représentons les rapports généraux de la perception, de l’attention et de la mémoire. Pour montrer com­ment un souvenir pourrait, de degré en degré, venir s’insérer dans une attitude ou un mouvement, nous allons avoir à anticiper