Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/124

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automatique, qui se fait surtout par des mouvements, à celle qui exige l’intervention régu­lière des souvenirs-images. La première est une reconnaissance par distrac­tion : la seconde, comme nous allons voir, est la reconnaissance attentive.

Elle débute, elle aussi, par des mouvements. Mais tandis que, dans la reconnaissance automatique, nos mouvements prolongent notre perception pour en tirer des effets utiles et nous éloignent ainsi de l’objet aperçu, ici au contraire ils nous ramènent à l’objet pour en souligner les contours. De là vient le rôle prépondérant, et non plus accessoire, que les souvenirs-images y jouent. Supposons en effet que les mouvements renoncent à leur fin pratique, et que l’activité motrice, au lieu de continuer la perception par des réactions utiles, rebrousse chemin pour en dessiner les traits saillants : alors les images analogues à la perception présente, images dont ces mouvements auront déjà jeté la forme, viendront régulièrement et non plus accidentellement se couler dans ce moule, quittes, il est vrai, à abandonner beaucoup de leurs détails pour s’en faciliter l’entrée.

III.Passage graduel des souvenirs aux mouvements. La reconnais­sance et l’attention. — Nous touchons ici au point essentiel du débat. Dans les cas où la reconnaissance est attentive, c’est-à-dire où les souvenirs-images rejoignent régulièrement la perception présente, est-ce la perception qui détermine mécaniquement l’apparition des souvenirs, ou sont-ce les souvenirs qui se portent spontanément au-devant de la perception ?

De la réponse qu’on fera à cette question dépend la nature des rapports qu’on établira entre le cerveau et la mémoire.