Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/129

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me, par autant d’hypo­thèses : notre mémoire choisit tour à tour diverses images analogues qu’elle lance dans la direction de la perception nouvelle. Mais ce choix ne s’opère pas au hasard. Ce qui suggère les hypothèses, ce qui préside de loin à la sélection, ce sont les mouvements d’imitation par lesquels la perception se continue, et qui serviront de cadre commun à la perception et aux images remémorées.

Mais alors, il faudra se représenter autrement qu’on ne fait d’ordinaire le mécanisme de la perception distincte. La perception ne consiste pas seulement dans des impressions recueillies ou même élaborées par l’esprit. Tout au plus en est-il ainsi de ces perceptions aussitôt dissipées que reçues, celles que nous éparpillons en actions utiles. Mais toute perception attentive suppose vérita­blement, au sens étymologique du mot, une réflexion, c’est-à-dire la projection extérieure d’une image activement créée, identique ou semblable à l’objet, et qui vient se mouler sur ses contours. Si, après avoir fixé un objet, nous détour­nons brusquement notre regard, nous en obtenons une image consécutive : ne devons-nous pas supposer que cette image se produisait déjà quand nous le regardions ? La découverte récente de fibres perceptives centrifuges nous inclinerait à penser que les choses se passent régulièrement ainsi, et qu’à côté du processus afférent qui porte l’impression au centre, il y en a un autre, inverse, qui ramène l’image à la périphérie. Il est vrai qu’il s’agit ici d’images photographiées sur l’objet même, et de souvenirs immédiatement consécutifs à la perception dont ils ne sont que l’écho. Mais derrière ces images identiques à l’objet, il en est d’autres, emmagasinées dans la mémoire, et qui ont simple­ment avec lui de la ressemblance, d’autres enfin qui n’