Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/143

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de là, quelques-uns ont suppose un mécanisme spécial qui relierait un centre acous­tique des mots à un centre articulatoire de la paroles[1]. La vérité paraît être intermédiaire entre ces deux hypothèses : il y a, dans ces divers phénomènes, plus que des actions absolument mécaniques, mais moins qu’un appel à la mémoire volontaire ; ils témoignent d’une tendance des impressions verbales auditives à se prolonger en mouvements d’articulation, tendance qui n’échappe sûrement pas au contrôle habituel de notre volonté, qui implique même peut-être un discernement rudimentaire, et qui se traduit, à l’état normal, par une répétition intérieure des traits saillants de la parole entendue. Or, notre schème moteur n’est pas autre chose.

En approfondissant cette hypothèse, on y trouverait peut-être l’explication psychologique que nous demandions tout à l’heure de certaines formes de la surdité verbale. On connaît quelques cas de surdité verbale avec survivance intégrale des souvenirs acoustiques. Le malade a conservé intacts et le souve­nir auditif des mots et le sens de l’ouïe ; il ne reconnaît pourtant aucun des mots qu’il entend prononcer[2]. On suppose ici une lésion sous-corticale qui empêcherait les impressions acoustiques d’aller retrouver les images verbales auditives dans les centres de l’écorce où elles seraient déposées. Mais d’abord la question est précisément de savoir si le cerveau peut emmagasiner des images ; et ensuite la constatation mê

  1. ARNAUD, Contribution à l’étude clinique de la surdité verbale ( Arch. de Neurologie, 1886, p. 192). — SPAMER, Ueber Asymbolle (Arch. f. Psychiatrie, 1. VI, pp. 507 et 524).
  2. Voir en particulier : P. SÉRIEUX, Sur un cas de surdité verbale pure (Revue de médecine, 1893, p. 733 et suiv.) ; LICHTHEIM, art. cité, p. 461, et ARNAUD, Contrib. à l’étude de la surdité verbale (2e article), Arch. de Neurologie, 1886, p. 366.