Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’elle à travers l’histoire de la philosophie, a été en réalité fort peu étudiée. Si on laisse de côté les théories qui se bornent à constater l’« union de l’âme et du corps » comme un fait irréductible et inexplicable, et celles qui parlent vaguement du corps comme d’un instrument de l’âme, il ne reste guère d’autre conception de la relation psychophysiologique que l’hypothèse « épiphènoméniste » ou l’hypothèse « paralléliste », qui aboutissent l’une et l’autre dans la pratique — je veux dire dans l’interprétation des faits particuliers — aux mêmes conclusions. Que l’on considère, en effet, la pensée comme une simple fonction du cerveau et l’état de conscience comme un épiphénomène de l’état cérébral, ou que l’on tienne les états de la pensée et les états du cerveau pour deux traductions, en deux langues différentes, d’un même original, dans un cas comme dans l’autre on pose en principe que, si nous pouvions pénétrer à l’intérieur d’un cerveau qui travaille et assister au chassé-croisé des atomes dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la clef de la psychophysiologie, nous saurions tout le détail de ce qui se passe dans la conscience correspondante.

À vrai dire, c’est là ce qui est le plus communément admis, par les philosophes aussi bien que par les savants. Il y aurait cependant lieu de se demander si les faits, examinés sans parti pris, suggèrent réellement une hypothèse de ce genre. Qu’il y ait solidarité entre l’état de conscience