Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/179

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elle reste inaperçue, et qu’au contraire, de la ligne CI le présent I actuellement perçu est le seul point qui nous paraisse exister véritablement ? Il y a, au fond de cette distinction radicale entre les deux séries temporelle et spatiale, tant d’idées confuses ou mal ébauchées, tant d’hypothèses dénuées de toute valeur spéculative, que nous ne saurions en épuiser tout d’un coup l’analyse. Pour démasquer entièrement l’illusion, il faudrait aller chercher à son origine et suivre à travers tous ses détours le double mouvement par lequel nous arrivons à poser des réalités objectives sans rapport à la conscience et des états de conscience sans réalité objective, l’espace paraissant alors conserver indéfiniment des choses qui s’y juxtapo­sent, tandis que le temps détruirait, au fur et à mesure, des états qui se succèdent en lui. Une partie de ce travail a été faite dans notre premier chapi­tre, quand nous avons traité de l’objectivité en général ; une autre le sera dans les dernières pages de ce livre, lorsque nous parlerons de l’idée de matière. Bornons-nous ici à signaler quelques points essentiels.

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D’abord, les objets échelonnés le long de cette ligne AB représentent à nos yeux ce que nous allons percevoir, tandis que la ligne CI ne contient que ce qui a été déjà perçu. Or, le passé n’a plus d’intérêt pour nous ; il a épuisé son action possible, ou ne retrouvera une influence qu’en empruntant la vitalité de la perception présente. Au contraire, l’avenir immédiat consiste dans une action imminente, dans une énergie non encore