Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/198

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mes effets d’ensemble sui­vent les mêmes causes profondes. Parce que l’acide chlorhydrique agit toujours de la même manière sur le carbonate de chaux —qu’il soit marbre ou craie, — dira-t-on que l’acide démêle entre les espèces les traits caractéristiques d’un genre ? Or, il n’y a pas de différence essentielle entre l’opération par laquelle cet acide tire du sel sa base et l’acte de la plante qui extrait invaria­blement des sols les plus divers les mêmes éléments qui doivent lui servir de nourriture. Faites maintenant un pas de plus ; imaginez une conscience rudi­mentaire comme peut être celle de l’amibe s’agitant dans une goutte d’eau : l’animalcule sentira la ressemblance, et non pas la différence, des diverses substances organiques qu’il peut s’assimiler. Bref, on suit du minéral à la plante, de la plante aux plus simples êtres conscients, de l’animal à l’homme, le progrès de l’opération par laquelle les choses et les êtres saisissent dans leur entourage ce qui les attire, ce qui les intéresse pratiquement, sans qu’ils aient besoin d’abstraire, simplement parce que le reste de l’entourage reste sans prise sur eux : cette identité de réaction à des actions superficiellement diffé­rentes est le germe que la conscience humaine développe en idées générales.

Qu’on réfléchisse, en effet, à la destination de notre système nerveux, telle qu’elle paraît résulter de sa structure. Nous voyons des appareils de perception très divers, tous reliés, par l’intermédiaire des centres, aux mêmes appareils moteurs. La sensation est instable ; elle peut prendre les nuances les plus variées ; au contraire le mécanisme moteur, une fois monté, fonctionnera inva­riablement de la même manière. On peut donc supposer des perceptions aussi différentes que possible dans leurs détails superficiels : si elles se continuent par