Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la perception et son objet. Mais si la division de l’étendue est purement relative à notre action possible sur elle, l’idée de corpuscules indépendants est a fortiori schématique et provisoire ; la science elle-même, d’ailleurs, nous autorise à l’écarter. Voilà une seconde barrière tombée. Un dernier intervalle reste à franchir : celui qu’il y a de l’hétérogénéité des qualités à l’homogénéité apparente des mouvements dans l’étendue. Mais justement parce que nous avons éliminé les éléments, atomes ou autres, que ces mouvements auraient pour siège, il ne peut plus être question ici du mouvement qui est l’accident d’un mobile, du mouvement abstrait que la mécanique étudie et qui n’est, au fond, que la commune mesure des mouvements concrets. Comment ce mouvement abstrait, qui devient immobilité quand on change de point de repère, pourrait-il fonder des change­ments réels, c’est-à-dire sentis ? Comment, composé d’une série de positions instantanées, remplirait-il une durée dont les parties se prolongent et se continuent les unes dans les autres ? Une seule hypothèse reste donc possible, c’est que le mouvement concret, capable, comme la conscience, de prolonger son passé dans son présent, capable, en se répétant, d’engendrer les qualités sensibles, soit déjà quelque chose de la conscience, déjà quelque chose de la sensation. Il serait cette même sensation diluée, répartie sur un nombre infiniment plus grand de moments, cette même sensation vibrant, comme nous disions, à l’intérieur de sa chrysalide. Alors un dernier point resterait à élucider : comment s’opère la contraction, non plus sans doute de mouvements homogènes en qualités distinctes, mais de changements moins hétérogènes en changements plus hétérogènes ? Mais à cette question répond notre analyse