Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/53

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re, ne vous donniez-vous pas la totalité des images ? Ce que vous avez donc à expliquer, ce n’est pas comment la perception naît, mais comment elle se limite, puisqu’elle serait, en droit, l’image du tout, et qu’elle se réduit, en fait, à ce qui vous intéresse. Mais si elle se distingue justement de l’image pure et simple en ce que ses parties s’ordonnent par rapport à un centre variable, sa limitation se comprend sans peine : indéfinie en droit, elle se restreint, en fait, à dessiner la part d’indétermination laissée aux démarches de cette image spéciale que vous appelez votre corps. Et par suite, inversement, l’indétermination des mouvements du corps, telle qu’elle résulte de la structure de la substance grise du cerveau, donne la mesure exacte de l’étendue de votre perception. Il ne faut donc pas s’étonner si tout se passe comme si votre perception résultait des mouvements intérieurs du cerveau et sortait, en quelque sorte, des centres corticaux. Elle n’en saurait venir, car le cerveau est une image comme les autres, enveloppée dans la masse des autres images, et il serait absurde que le contenant sortît du contenu. Mais comme la structure du cerveau donne le plan minutieux des mouvements entre lesquels vous avez le choix, comme, d’un autre côté, la portion des images extérieures qui paraît revenir sur elle-même pour constituer la perception dessine justement tous les pointe de l’univers sur lesquels ces mouvements auraient prise, perception consciente et modification cérébrale se correspondent rigoureusement. La dépendance réciproque de ces deux termes tient donc simplement à ce qu’ils sont, l’un et l’autre, fonction d’un troisième, qui est l’indétermination du vouloir.

Soit, par exemple, un point lumineux P dont les rayons agissent