Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/52

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ou bien encore (ce qui revient à peu près au même), on imaginera des rapports de grandeur qui se composeraient entre eux, des fonctions qui évolueraient en développant leur contenu : dès lors la représentation, chargée des dépouilles de la matière, se déploiera librement dans une conscience inextensive. Mais il ne suffit pas de tailler, il faut coudre. Ces qualités que vous avez détachées de leur soutien matériel, il faudra maintenant expliquer comment elles vont le rejoindre. Chaque attribut dont vous diminuez la matière élargit l’intervalle entre la représentation et son objet. Si vous faites cette matière inétendue, comment recevra-t-elle l’exten­sion ? Si vous la réduisez au mouvement homogène, d’où naîtra donc la qualité ? Surtout, comment imaginer un rapport entre la chose et l’image, entre la matière et la pensée, puisque chacun de ces deux termes ne possède, par définition, que ce qui manque à l’autre ? Ainsi les difficultés vont naître sous vos pas, et chaque effort que vous ferez pour dissiper l’une d’elles ne pourra que la résoudre en beaucoup d’autres. Que vous demandons-nous alors ? Simplement de renoncer à votre coup de baguette magique, et de continuer dans la voie où voua étiez entré d’abord. Vous nous aviez montré les images extérieures atteignant les organes des sens, modifiant les nerfs, propageant leur influence dans le cerveau. Allez jusqu’au bout. Le mouvement va traver­ser la substance cérébrale, non sans y avoir séjourné, et s’épanouira alors en action volontaire. Voilà le tout du mécanisme de la perception. Quant à la perception même, en tant qu’image, vous n’avez pas à en retracer la genèse, puisque vous l’avez posée d’abord et que vous ne pouviez pas, d’ailleurs, ne pas la poser : en vous donnant le cerveau, en vous donnant la moindre parcelle de matiè