Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/60

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dans les centres moteurs ; elle mesure la complexité de leurs rapports, et existe là où elle apparaît.

Les psychologues qui ont étudié l’enfance savent bien que notre représen­tation commence par être impersonnelle. C’est peu à peu, et à force d’inductions, qu’elle adopte notre corps pour centre et devient notre représen­tation. Le mécanisme de cette opération est d’ailleurs aisé à comprendre. À mesure que mon corps se déplace dans l’espace, toutes les autres images varient ; celle-ci, au contraire, demeure. invariable. Je dois donc bien en faire un centre, auquel je rapporterai toutes les autres images. Ma croyance à un monde extérieur ne vient pas, ne peut pas venir, de ce que je projette hors de moi des sensations inextensives : comment ces sensations acquerraient-elles l’extension, et d’où pourrais-je tirer la notion de l’extériorité ? Mais si l’on accorde, comme l’expérience en fait foi, que l’ensemble des images est donné d’abord, je vois très bien comment mon corps finit par occuper dans cet ensemble une situation privilégiée. Et je comprends aussi comment naît alors la notion de l’intérieur et de l’extérieur, qui n’est au début que la distinction de mon corps et des autres corps. Partez en effet de mon corps, comme on le fait d’ordinaire ; vous ne me ferez jamais comprendre comment des impressions reçues à la surface de mon corps, et qui n’intéressent que ce corps, vont se constituer pour moi en objets indépendants et former un monde extérieur. Donnez-moi au contraire les images en général ; mon corps finira nécessaire­ment par se dessiner au milieu d’elles comme une chose distincte, puisqu’elles changent sans cesse et qu’il demeure invariable. La distinction de l’intérieur et de l’extérieur se ramènera ainsi à celle de la partie et du tout. Il y a d’abord l’ensemble des