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Page:Berkeley - Les Principes de la connaissance humaine, trad. Renouvier.djvu/14

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IV
NOTICE SUR LA VIE ET L’ŒUVRE DE BERKELEY

puis de Derry) ; il se marie en 1728. Mais, à ce moment même, il a déjà conçu l’idée d’une grande entreprise d’évangélisation et de civilisation auprès des sauvages d’Amérique. Ayant fait un héritage imprévu, croyant avoir intéressé à son projet par une active propagande le public et le gouvernement, il part en 1728 pour fonder un collège dans les îles Bermudes.

[1728-1732]. Mais il s’arrête à Rhode-Island, s’y installe pour attendre — inutilement — les subsides promis, et finalement y demeure jusqu’à son retour en Angleterre, à la fin de 1731. C’est pendant ce séjour de trois années à Rhode-Island qu’il reprend d’une manière directe et approfondie l’étude de la philosophie antique, en particulier du Platonisme, et qu’il compose l’Alciphron, le principal ouvrage de sa maturité. Le système immatérialiste y prend surtout la forme d’une apologétique religieuse : Berkeley, délaissant la critique psychologique d’autrefois pour les considérations morales, s’efforce surtout d’établir que l’Esprit infini a le rôle et les attributs du Dieu du christianisme.

[1732-1734]. De retour à Londres, sa nouvelle ardeur philosophique se conserve quelque temps : en même temps que l’Alciphron, il publie l' Analyste et plusieurs écrits sur les mathématiques ; il donne une nouvelle édition, quelque peu modifiée, des trois principaux ouvrages de sa jeunesse.

[1734-1752]. Mais bientôt il est nommé évêque de Cloyne, en Irlande ; il va se fixer pour de longues années dans son pays natal et se donne à mille œuvres philanthropiques et moralisatrices ; il s’associe activement aux efforts des patriotes irlandais qu’inspire son ami Swift ; à l’occasion d’épidémies qui désolent particulièrement l’Irlande en 1740, il a l’idée de préconiser un remède qu’il a appris à connaître dans son voyage d’Amérique, l’eau de goudron, et il devient jusqu’à la fin de sa vie le propagateur inlassable, enthousiaste, de cette « panacée universelle ».

C’est à cette entreprise qu’il rattache étroitement son dernier grand ouvrage philosophique, la Siris (1744), bientôt traduite dans diverses langues sous le titre : L’Eau de goudron. De la manière la plus étrange et par la chaîne de déductions la plus imprévue, Berkeley, partant des propriétés des résines et étudiant leur action sur les diverses maladies, retrouve et dégage peu à peu les thèses essentielles de son ancien système ; mais il le revêt cette fois d’un langage platonicien, sans craindre d’y introduire des éléments nouveaux, dont l’accord avec les anciens a été vivement discuté. Il considère l’immatérialisme, non plus seulement en moraliste et en théologien, comme dans l’Alciphron, mais en métaphysicien plus exigeant, et, par delà la réalité sensible immédiate, veut saisir ce qui l’explique et la fonde ; il croit trouver dans le Feu ou Ether, qui