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BERKELEY

qu’il soit, pour autant qu’il est intelligible, demeure sans atteinte. Mais tout ceci semble si manifeste d’après ce qui a été amplement exposé dans nos prémisses qu’il serait inutile d’y insister davantage.

84. Mais on alléguera que les miracles du moins perdent beaucoup de leur force et de leur importance, si nos principes sont vrais. Que devons-nous penser de la verge de Moïse ? Ne s’est-elle pas changée réellement en un serpent ? Le changement n’a-t-il été simplement que celui des idées dans les esprits des spectateurs ? Et pouvons-nous supposer que notre Sauveur n’a rien fait de plus aux noces de Cana que d’en imposer à la vue, au goût et à l’odorat des convives, pour créer en eux l’apparence ou idée du vin seulement ? On peut en dire autant de tous les miracles, qui devraient être ainsi regardés, en conséquence de nos principes, comme autant de tricheries et d’illusions de l’imagination. Je réponds que la verge a été changée en un serpent réel, et l’eau en vin réel. Cette affirmation ne contredit en rien ce que j’ai dit ailleurs ; on peut s’en convaincre en revenant aux §§ 34 et 35. D’ailleurs ce sujet du réel et de l’imaginaire a déjà été traité, rappelé et développé d’une façon si complète, les difficultés qui s’y rattachent trouvent si aisément réponse dans ce qui le précède, que ce serait faire injure à la pénétration du lecteur que d’en reprendre ici l’explication. J’observerai seulement que si tous les convives présents autour d’une table voyaient, sentaient, goûtaient du vin et le buvaient, et éprouvaient les effets de cette boisson, je n’aurais, quant à moi, aucun doute que ce fût réellement du vin. C’est qu’au fond le scrupule relatif à la réalité des miracles n’a nulle raison d’être quand on suit nos principes, mais seulement quand on suit les principes reçus. Il vient donc à l’appui de la thèse que nous soutenons plutôt qu’il ne peut servir à la combattre.