Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/114

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ridicules, quand même la caisse serait en bois de rose, quand le sabot serait en bois de sandal. Vous aurez beau faire souffler les tempêtes dans un tuyau de poêle, le son peut-être très-énergique qui en sortira ne fera pas qu’il soit un tuyau d’orgue, ni un trombone, ni un tuba, ni un cor. Toutes les raisons imaginables, raisons de perspective, raisons de splendeur, raisons d’argent, quand il s’agira de la construction d’une salle d’opéra, tomberont devant le fait des lois de l’acoustique et de celles de la transmission du fluide musical, car ces lois existent. C’est un fait, et l’entêtement d’un fait est proverbial. » Voilà ce qu’ils diront ces… artistes. Mais ils veulent faire de la musique, et vous voulez faire de l’argent.

Quant à l’effet de l’orchestre dans les salles trop grandes, il est défectueux, incomplet et faux, en ce sens qu’il est autre que le compositeur ne l’a imaginé en écrivant sa partition, lors même que la partition a été écrite exprès pour la grande salle où elle est entendue.

Comme la portée du fluide musical des divers projecteurs du son est inégale, il s’ensuit nécessairement que les instruments à longue portée seront dans mainte occasion d’une puissance en désaccord avec l’importance que le compositeur leur a accordée, quand ceux à courte portée disparaîtront ou seront déchus de l’emploi qui leur fut assigné pour atteindre le but de la composition. Car pour que l’action musicale des voix et des instruments soit complète, il faut que tous les sons arrivent simultanément et avec la même vitalité de vibrations à l’auditeur. Il faut, en un mot, que les sons écrits en partition (les musiciens me comprendront) parviennent à l’oreille en partition.

Une autre conséquence de l’extrême grandeur de la salle dans les théâtres lyriques, conséquence que j’ai laissé entrevoir tout à l’heure en rappelant l’emploi que l’on fait aujourd’hui de la grosse caisse, a été en effet l’introduction de tous les violents auxiliaires de l’instrumentation dans les orchestres ordinaires. Et cet abus poussé maintenant à ses dernières limites,