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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/149

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ceux-là. Mais le poëte philosophe répondra : Hélas ! vous vous trompez peut-être ; vous aimeriez mieux gémir que mourir.

Phérès a raison : Chacun est ici-bas pour soi. La lumière du jour vous est précieuse et douce, pensez-vous qu’elle me le soit moins ? Molière, vingt siècles plus tard, a fait dire à l’un de ses plus honnêtes personnages parlant de son corps : « Guenille si l’on veut, ma guenille m’est chère. » Et la Fontaine a dit presque dans les mêmes termes que l’Admète d’Euripide :

Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret.

Au milieu de ces scènes terribles, où le cœur du jeune roi se montre exaspéré par la douleur jusqu’à l’impiété parricide, survient un étranger. « Ô habitants de Phères, dit-il, trouverai-je Admète dans ce palais ? » C’est Hercule, ce chevalier errant de l’antiquité. Il va, obéissant à un ordre d’Eurystée, roi de Tyrinthe, enlever à Diomède, fils de Mars, ses chevaux anthropophages, que Diomède lui seul a pu dompter jusqu’à ce jour. En passant à Phères pour remplir cette dangereuse mission, le vaillant fils d’Alcmène veut voir son ami. Admète s’avance et l’invite à entrer dans son palais. Mais l’air consterné du jeune roi étonne Hercule et l’arrête sur le seuil hospitalier. « Quel malheur t’a frappé ? as-tu perdu ton père ? — Non. — Ton fils ? — Non. — Alceste ? Je sais qu’elle s’est engagée à mourir pour toi… » Admète dissimule encore et assure à Hercule que la femme qu’on pleure est une étrangère élevée dans le palais. Il craint, en avouant la vérité, que son ami ne refuse l’hospitalité qui lui est offerte dans cette demeure désolée. Et ce serait pour lui un nouveau malheur. Hercule entre enfin, se laisse conduire dans l’appartement qui lui est destiné, où les esclaves lui préparent un festin somptueux. Et le roi ajoute ces mots touchants : « Fermez le vestibule du milieu. Ce serait une indécence de troubler un festin par des cris et des larmes. Il faut épargner aux yeux et aux oreilles de l’hôte que nous recevons