Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/160

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voir les félicitations de ses amis. Mais Alceste ne paraît pas, et le roi s’inquiète de son absence. Elle est au temple, dit-on, elle est allée remercier les dieux du rétablissement du roi. Alceste revient, et malgré tous ses efforts, loin de partager l’allégresse publique, elle laisse échapper de douloureux sanglots. Admète la supplie et lui ordonne enfin de faire connaître la cause de ses larmes, et la malheureuse femme avoue la vérité. Désespoir du roi, qui refuse d’accepter cet affreux sacrifice ; il jure que si Alceste s’obstine à l’accomplir, il n’en mourra pas moins.

Cependant l’heure approche ; Alceste a pu échapper à la surveillance du roi et s’est rendue à l’entrée du Tartare : « Que veux-tu ? lui crient des voix invisibles. Le moment n’est pas encore venu ; attends que le jour ait fait place aux ténèbres ; tu n’attendras pas longtemps. » À ces étranges et lugubres accents, aux sombres lueurs qui s’échappent de l’antre infernal, Alceste sent la raison l’abandonner ; elle court éperdue autour de l’autel de la mort, chancelante, à demi folle de terreur, et pourtant elle persiste dans son dessein. Admète accourt et redouble de supplications pour l’empêcher de l’exécuter. Pendant ce déchirant débat l’heure est venue ; une divinité infernale, sortant de l’abîme, vient s’abattre sur l’autel de la Mort, du haut duquel elle somme la reine de tenir sa promesse.

Du bord du Styx Caron, le funèbre nocher, appelle Alceste en sonnant à trois reprises de sa conque aux sons rauques et caverneux. Le dieu des enfers laisse pourtant encore un refuge à Alceste contre sa terrible résolution ; il peut la relever de son vœu ; mais si elle le révoque Admète à l’instant mourra. « Qu’il vive ! s’écrie-t-elle, et des enfers montrez-moi le chemin ! » Aussitôt, malgré les cris d’Admète, une troupe de démons vient saisir la reine et l’entraîne au Tartare. Dans le drame de Calsabigi, Apollon, bientôt après, apparaissait dans un nuage et rendait Alceste vivante à son époux. Dans la pièce française, ce dénoûment avait été d’abord conservé ; quelques années après la première représentation, le bailli Durollet, auteur de la tra-