Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/192

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retrouvé la douleur antique. Ce à quoi le marquis de Carracioli a répondu qu’il aimait mieux le plaisir moderne.

Mon Dieu ! que le pauvre esprit est donc bête et qu’il paraît ridicule quand, avec ses petites dents, il veut ainsi mordre le diamant…

À entendre cela le cœur se gonfle, on voudrait avoir quelque chose à étreindre. Il me semble alors que si j’avais devant moi le marbre de la Niobé je le briserais entre mes bras.

Au troisième acte le peuple encombre le palais d’Admète. On sait que la reine s’est dirigée vers l’entrée du Tartare pour accomplir son vœu. La consternation est à son comble : « Pleure ! » s’écrie la foule, sur de larges accords mineurs :

Pleure, ô patrie !
xxÔ Thessalie !
Alceste va mourir !

Par une idée de mise en scène musicale très-belle et que son poëte n’avait pas même indiquée, Gluck a trouvé là encore un effet sublime. Il a placé au loin dans le fond du théâtre, un deuxième groupe de voix ainsi désigné : Coro di dentro (chœur de l’intérieur), lequel, sur la dernière syllabe du premier chœur, reprend la phrase : « Pleure, ô patrie, » comme un écho douloureux. Le palais tout entier retentit ainsi de lamentations, le deuil est au dehors, au dedans, dans les cours, sur les balcons, dans les vastes salles, partout.

C’est pour accompagner ce groupe de voix lointaines que le compositeur, pour la première fois, a employé l’ut grave du trombone-basse, que nos trombones-ténors ne possèdent pas, et pour lequel on emploie maintenant à l’Opéra un grand trombone en fa. L’effet en est majestueusement lugubre.

À ce moment intervient Hercule. L’air qu’il chante après son robuste récitatif débute par quelques mesures d’une belle énergie ; mais bientôt le style en devient plat, redondant ; l’orchestre fait entendre des passages d’instruments à vent d’une tournure vulgaire. L’air n’est pas de Gluck.