Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/204

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veut dire fuite (mais fuite des parties de chant qui, entrant successivement, semblent se fuir et se poursuivre), il a imaginé d’écrire une longue fugue, très-bien faite, ma foi, mais où il est question de l’art de traiter un thème, de faire une exposition, une contre-exposition, une stretta sur la pédale, d’amener épisodiquement des imitations canoniques, etc., et point du tout d’exprimer le sentiment de terreur des personnages. Dans Gluck, après un mouvement très-lent, où elle dit d’un ton bas et consterné : « Quel oracle funeste !  » la foule se disperse rapidement en répétant sur un mouvement vif, d’une façon en apparence désordonnée : « Fuyons, nul espoir ne nous reste ! » Cet allegro, d’un admirable laconisme, n’a que dix-huit mesures. La fugue de Guglielmi en a cent vingt ; il faut en conséquence que les choristes, en chantant : Fuyons ! restent fort longtemps et fort tranquillement en place. Le contraste entre les deux partitions est plus plaisant encore pour l’air suivant.

Une agréable gaieté respire dans le thème de Guglielmi :

Ombre, larve, compagne di morte,
Non vi chiedo, non voglio pieta.

(Divinités du Styx, ministres de la mort,
Je n’implorerai point votre pitié cruelle !)

Il y a de plus, dans le milieu de l’air, à ces mots : « Non v’ offenda si giusta pieta ! » un trait vocalisé volant comme une flèche jusqu’à l’ut suraigu, qui a dû faire chaudement applaudir la prima-donna chargée du rôle d’Alceste. Le chœur final de ce premier acte,

Qui serve e chi regna
E nato alle pene,


est plus brillant et tout aussi jovial que celui de Gluck, et, je dois l’avouer, moins plat. Il paraît que décidément il faut parler gaiement des malheurs de la condition humaine.

Au second acte, le fameux morceau d’Alceste, éperdue de terreur :

Chi mi parla ? che rispondo ?