Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/235

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le surprenant effet de ces voix de femmes, groupées en seconde majeure, et le rhythme heurté des voix d’hommes qui complètent ce bizarre concert de railleries. Qui n’a senti l’accablement, la désolation de Max, la bonté touchante qui respire dans le thème du chœur cherchant à le consoler, la joie exubérante de ces robustes paysans partant pour la chasse, la platitude comique de cette marche jouée par les ménétriers villageois en tête du cortége de Kilian triomphant ; et cette chanson diabolique de Gaspard, dont le rire grimace, et cette clameur sauvage de son grand air : Triomphe ! triomphe ! qui prépare d’une façon si menaçante l’explosion finale ! Tous à présent, amateurs et artistes, écoutent avec ravissement ce délicieux duo, où se dessinent dès l’abord les caractères contrastants des deux jeunes filles. Cette idée du maître une fois reconnue, on n’a plus de peine à en suivre jusqu’au bout le développement. Toujours Agathe est tendre et rêveuse ; toujours Annette, l’heureuse enfant qui n’a point aimé, se plaît en d’innocentes coquetteries ; toujours son joyeux babillage, son chant de linotte, viennent jeter d’étincelantes saillies au milieu des entretiens des deux amants inquiets, tristement préoccupés. Rien n’échappe à l’auditeur de ces soupirs de l’orchestre pendant la prière de la jeune vierge attendant son fiancé, de ces bruissements doucement étranges, où l’oreille attentive croit retrouver

Le bruit sourd du noir sapin
Que le vent des nuits balance.


et il semble que l’obscurité devienne tout d’un coup plus intense et plus froide, à cette magique modulation en ut majeur :

Tout s’endort dans le silence.


De quel frémissement sympathique n’est-on pas agité plus loin à cet élan : C’est lui ! c’est lui !

Et surtout à ce cri immortel qui ébranle l’âme entière :

C’est le ciel ouvert pour moi !