Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/236

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Non, non, il faut le dire, il n’y a point de si bel air. Jamais aucun maître, allemand, italien ou français, n’a fait ainsi parler successivement dans la même scène la prière sainte, la mélancolie, l’inquiétude, la méditation, le sommeil de la nature, la silencieuse éloquence de la nuit, l’harmonieux mystère des cieux étoilés, le tourment de l’attente, l’espoir, la demi-certitude, la joie, l’ivresse, le transport, l’amour éperdu ! Et quel orchestre pour accompagner ces nobles mélodies vocales ! Quelles inventions ! Quelles recherches ingénieuses ! Quels trésors qu’une inspiration soudaine fit découvrir ! Ces flûtes dans le grave, ces violons en quatuor, ces dessins d’altos et de violoncelles à la sixte, ce rhythme palpitant des basses, ce crescendo qui monte et éclate au terme de sa lumineuse ascension, ces silences pendant lesquels la passion semble recueillir ses forces pour s’élancer ensuite avec plus de violence. Il n’y a rien de pareil ! c’est l’art divin ! c’est la poésie ! c’est l’amour même ! Le jour où Weber entendit pour la première fois cette scène rendue comme il avait rêvé qu’elle pût l’être, s’il l’entendit jamais ainsi, ce jour radieux sans doute, lui montra bien tristes et bien pâles tous les jours qui devaient lui succéder. Il aurait dû mourir ! que faire de la vie après des joies pareilles !

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Certains théâtres d’Allemagne, pour aller aussi avant que possible dans une vérité en horreur à l’art, font entendre, dit-on, pendant la scène de la fonte des balles, les plus discordantes rumeurs, cris d’animaux, aboiements, glapissements, hurlements, bruits d’arbres fracassés, etc., etc. Comment entendre la musique au milieu de ce hideux tumulte ? Et pourquoi, dans le cas même où on l’entendrait, mettre la réalité auprès de l’imitation ? Si j’admire le rauque aboiement des cors à l’orchestre, la voix de vos chiens du théâtre ne peut m’inspirer que le dégoût. La cascade naturelle au contraire n’est point de ces