Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/237

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effets scéniques incompatibles avec l’intérêt de la partition ; loin de là, elle y ajoute. Ce bruit d’eau égal et continu, porte à la rêverie ; il impressionne surtout durant ces longs points d’orgue que le compositeur a si habilement amenés, et s’unit on ne peut mieux avec les sons de la cloche éloignée qui tinte lentement l’heure fatale.

Lorsqu’en 1837 ou 1838 on voulut mettre en scène le Freyschütz à l’Opéra, on sait que j’acceptai la tâche d’écrire les récitatifs pour remplacer le dialogue parlé de l’ouvrage original, dont le règlement de l’Opéra interdit l’usage. Je n’ai pas besoin de dire aux Allemands que dans cette scène étrange et hardie, entre Samiel et Gaspard, je me suis abstenu de faire chanter Samiel. Il y avait là une intention trop formelle ; Weber a fait Gaspard chanter, et Samiel parler les quelques mots de sa réponse. Une fois seulement la parole du diable est rhythmée, chacune de ses syllabes portant sur une note de timbales. La rigueur du règlement qui interdit le dialogue parlé à l’Opéra n’est pas telle qu’on ne puisse introduire dans une scène musicale quelques mots prononcés de la sorte ; on s’est donc empressé d’user de la latitude qu’il laissait pour conserver aussi cette idée du compositeur.

La partition du Freyschütz, grâce à mon insistance, fut exécutée intégralement et dans l’ordre exact où l’auteur l’a écrite.

Le livret fut traduit et non arrangé par M. Emilien Pacini.

Il résulta de la fidélité, trop rare en tout temps et partout, avec laquelle l’Opéra monta ce chef-d’œuvre, que le finale du troisième acte fut pour les Parisiens à peu près une nouveauté. Quelques-uns l’avaient entendu quatorze ans auparavant aux représentations d’été de la troupe allemande ; le plus grand nombre ne le connaissait pas. Ce finale est une magnifique conception. Tout ce que chante Max aux pieds du prince est empreint de repentir et de honte ; le premier chœur en ut mineur, après la chute d’Agathe et de Gaspard, est d’une belle couleur tragique et annonce on ne peut mieux la catastrophe qui va s’ac-