« Stupéfaction de la mort et de la nature. »
Faisons-les rires à ces idées !
Comme la grande majorité de l’auditoire ne sait pas le latin, j’aurai soin que la traduction française soit imprimée sur le programme. Faisons-les rire.
Quel poëme ! quel texte pour un musicien ! Je ne saurais exprimer le bouleversement de cœur que j’éprouve quand, dirigeant un orchestre immense, j’arrive au verset :
Judex ergo cum sedebit.
Alors tout se fait noir autour de moi ; je n’y vois plus, je crois tomber dans la nuit éternelle.
— Ah çà, vous avez donc affaire à un auditoire de prédestinés de l’enfer ? direz-vous. — Il est vrai, ma tirade apocalyptique pourrait le faire croire, c’est le courant des idées shakspeariennes qui m’avait entraîné ; au contraire, la belle société de Bade se compose d’honnêtes gens qui ne doivent avoir aucun sujet de crainte en songeant à l’autre vie. On n’y compte qu’un petit nombre de scélérats, ceux qui ne vont pas au concert.
Vous allez aussi me demander comment, dans une si petite ville, je pourrai trouver l’appareil musical nécessaire à l’exécution de ce Dies iræ, appareil dont les éléments sont si difficiles à réunir à Paris, comment on pourra les placer dans la salle du festival et comment on supportera cette sonorité ébranlante. D’abord vous saurez que j’ai arrangé la partition des timbales