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chaque fragment se colore ainsi de mille nuances diverses en passant de l’un à l’autre, ou croirait assister aux jeux féeriques des gracieux esprits d’Obéron. Le final est de la même nature ; c’est un second scherzo à deux temps, dont le badinage a peut-être encore quelque chose de plus fin et de plus piquant.


III

SYMPHONIE HÉROÏQUE


On a grand tort de tronquer l’inscription placée en tête de celle-ci par le compositeur. Elle est intitulée : Symphonie héroïque pour fêter le souvenir d’un grand homme. On voit qu’il ne s’agit point ici de batailles ni de marches triomphales, ainsi que beaucoup de gens, trompés par la mutilation du titre, doivent s’y attendre, mais bien de pensées graves et profonds, de mélancoliques souvenirs, de cérémonies imposantes par leur grandeur et leur tristesse, en un mot, de l’oraison funèbre d’un héros. Je connais peu d’exemples en musique d’un style où la douleur ait su conserver constamment des formes aussi pures et une telle noblesse d’expressions.

Le premier morceau est à trois temps et dans un mouvement à peu près égal à celui de la valse. Quoi de plus sérieux cependant et de plus dramatique que cet allegro ? Le thème énergique qui en forme le fond ne se présente pas d’abord dans son entier. Contrairement à l’usage, l’auteur en commençant, nous a laissé seulement entrevoir son idée mélodique ; elle ne se montre avec tout son éclat qu’après un exorde de quelques mesures. Le rhythme est excessivement remarquable par la fréquence des syncopes et par des combinaisons de la mesure à deux temps, jetées, par l’accentuation des temps faibles