Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/47

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émotion inexplicable qu’on éprouve sous le regard magnétique de certains individus. Tout y est mystérieux et sombre ; les jeux d’instrumentation, d’un aspect plus ou moins sinistre, semblent se rattacher à l’ordre d’idées qui créa la fameuse scène du Bloksberg, dans le Faust de Goethe. Les nuances du piano et du mezzo forte y dominent. Le milieu (le trio) est occupé par un trait de basses, exécuté de toute la force des archets, dont la lourde rudesse fait trembler sur leurs pieds les pupitres de l’orchestre et ressemble assez aux ébats d’un éléphant en gaieté….. Mais le monstre s’éloigne, et le bruit de sa folle course se perd graduellement. Le motif du scherzo reparaît en pizzicato ; le silence s’établit peu à peu, on n’entend plus que quelques notes légèrement pincées par les violons et les petits gloussements étranges que produisent les bassons donnant le la bémol aigu, froissé de très-près par le sol octave du son fondamental de l’accord de neuvième dominante mineure ; puis, rompant la cadence, les instruments à cordes prennent doucement avec l’archet l’accord de la bémol et s’endorment sur cette tenue. Les timbales seules entretiennent le rhythme en frappant avec des baguettes couvertes d’éponge de légers coups qui se dessinent sourdement sur la stagnation générale du reste de l’orchestre. Ces notes de timbales sont des ut ; le ton du morceau est celui d’ut mineur ; mais l’accord de la bémol, longtemps soutenu par les autres instruments, semble introduire une tonalité différente ; de son côté le martellement isolé des timbales sur l’ut tend à conserver le sentiment du ton primitif. L’oreille hésite… on ne sait où va aboutir ce mystère d’harmonie… quand les sourdes pulsations des timbales augmentant peu à peu d’intensité arrivent avec les violons qui ont repris part au mouvement et changé l’harmonie, à l’accord de septième dominante, sol, si, , fa, au milieu duquel les timbales roulent obstinément leur ut tonique ; tout l’orchestre, aidé des trombones qui n’ont point encore paru, éclate alors dans le mode majeur sur un thème de marche triomphale, et