Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/48

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le finale commence. On sait l’effet de ce coup de foudre, il est inutile d’en entretenir le lecteur.

La critique a essayé pourtant d’atténuer le mérite de l’auteur en affirmant qu’il n’avait employé qu’un procédé vulgaire, l’éclat du mode majeur succédant avec pompe à l’obscurité d’un pianissimo mineur ; que le thème triomphal manquait d’originalité, et que l’intérêt allait en diminuant jusqu’à la fin, au lieu de suivre la progression contraire. Nous lui répondrons : a-t-il fallu moins de génie pour créer une œuvre pareille, parce que le passage du piano au forte, et celui du mineur au majeur, étaient des moyens déjà connus ?… Combien d’autres compositeurs n’ont-ils pas voulu mettre en jeu le même ressort ; et en quoi le résultat qu’ils ont obtenu se peut-il comparer au gigantesque chant de victoire dans lequel l’âme du poëte musicien, libre désormais des entraves et des souffrances terrestres, semble s’élancer rayonnante vers les cieux ?… Les quatre premières mesures du thème ne sont pas, il est vrai, d’une grande originalité ; mais les formes de la fanfare sont naturellement bornées, et nous ne croyons pas qu’il soit possible d’en trouver de nouvelles sans sortir tout à fait du caractère simple, grandiose et pompeux qui lui est propre. Aussi Beethoven n’a-t-il voulu pour le début de son finale qu’une entrée de fanfare, et il retrouve bien vite dans tout le reste du morceau et même dans la suite de la phrase principale, cette élévation et cette nouveauté de style qui ne l’abandonnent jamais. Quant au reproche de n’avoir pas augmenté l’intérêt jusqu’au dénoûment, voici ce qu’on pourrait dire : la musique ne saurait, dans l’état où nous la connaissons du moins, produire un effet plus violent que celui de cette transition du scherzo à la marche triomphale ; il était donc impossible de l’augmenter en avançant.

Se soutenir à une pareille hauteur est déjà un prodigieux effort ; malgré l’ampleur des développements auxquels il s’est livré, Beethoven cependant a pu le faire. Mais cette égalité même, entre le commencement et la fin, suffit pour faire supposer une