Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/163

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commencerons qu’en janvier ; je crois qu’ils marcheront bien. Jullien (le directeur) est un homme d’audace et d’intelligence qui connaît Londres et les Anglais mieux que qui que ce soit. Il a déjà fait sa fortune et il s’est mis en tête de construire la mienne. Je le laisse faire, puisqu’il ne veut, pour y parvenir, employer que des moyens avoués par l’art et le goût. Mais la foi me manque… J’ai eu le plaisir de voir une fois madame Rogé à Paris ; elle est sans doute allée vous rejoindre maintenant. J’ai présenté votre ami à Alfred de Vigny, qui l’a engagé à venir le voir de temps en temps et à recourir à son intervention dans toutes les affaires littéraires pour lesquelles il pourrait le servir.

Vous me demandez des notes pour votre brochure ; mais je ne sais vraiment rien de plus que ce que je vous ai dit. Nos artistes deviennent de plus en plus malheureux, parce que la direction des arts devient pire. Voilà pourtant une anecdote qui pourra figurer dans votre travail. Pendant les derniers temps de la direction Pillet, les répétitions générales devenaient de plus en plus nombreuses pour les ouvrages nouveaux, sans que les besoins de l’exécution en fissent sentir la nécessité. Comme les musiciens s’en plaignaient, un jour, Habeneck et Tulou, qui connaissaient la cause de ce surcroît de travail, finirent par leur répondre : « Eh ! applaudissez donc madame X… ! Vous ne voyez pas qu’elle enrage de votre silence, et tant qu’elle n’aura pas eu un succès de répétition, un succès d’orchestre, elle vous fera piocher comme des galériens ! » En effet, l’orchestre, qui voulait en finir, se décida le lendemain à lui faire un bruyant accueil, et la diva, satisfaite, trouva que l’ouvrage marchait bien et qu’on pouvait afficher la première