Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du siècle après Beethoven, ne lui laissait à faire que des feuilletons.

Cependant il fallait, ou que la France se trompât au sujet de ce fils (si peu dénaturé pourtant !) ou que le reste de l’Europe se trompât de son côté ; le doute n’est plus permis à présent, le procès est jugé ; le bon sens de l’Europe avait raison contre la frivolité de la France… Que voulez-vous ? le Gaulois est né léger comme d’autres naissent coiffés… Du temps des Romains, il montait à l’assaut du Capitole sans avoir pris soin d’éclairer sa route, en sorte que les oies criaient contre lui et avertissaient l’ennemi de se tenir en garde. Louis XV, à la veille d’une révolution qui devait emporter sa race, disait : — « Cela durera bien autant que moi. » — Légèreté des légèretés ! tout n’est que légèreté. En ce qui concerne la musique, les Français ont eu des naïvetés et des fatuités formidables… Un émigré en Angleterre auquel on demandait s’il savait jouer du clavecin, répliquait d’un air digne : — « Je ne sais pas, je n’ai jamais essayé. »

Nul n’est prophète en son village, ou plutôt ceux qui passent pour tels ne sont souvent que de faux prophètes. Berlioz, admiré au loin, bafoué par ses compatriotes, était une des organisations les plus riches et les mieux douées que l’on pût voir. Compositeur inégal, mais souvent sublime, écrivain de race et primesautier, il a laissé une double réputation, alors que ses ennemis se sont donné tant de mal pour en laisser seulement la moitié d’une. La Correspondance que nous publions aujourd’hui ne nuira pas, croyons-nous, à la renommée du musicien et augmentera de beaucoup celle du littérateur. On connaissait déjà par les Mémoires[1] ce style haché, décousu, violent, plein de

  1. Mémoires de Berlioz, publiés chez M. Calmann Lévy.