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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/17

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dans les feuilles de ses couronnes triomphales des moustiques parisiens qui le piquaient. Il était plus préoccupé des haines qu’il rencontrait dans son propre pays que des magnifiques ovations qui l’attendaient au delà des frontières ; et, de Londres, de Saint-Pétersbourg, de Vienne, de Weimar, de Lowenberg, de partout, nous le voyons écrire au dévoué et savant Joseph d’Ortigue, le Thiriot de cet autre Voltaire : — « On m’a donné un banquet… on m’a décoré de l’ordre de l’Aigle blanc… On est venu m’offrir une tabatière de la part du Roi… les journaux d’ici me portent aux nues… fais en sorte que Paris le sache ! — » Paris ! Paris ! il ne songeait qu’à cette ville ingrate.

Un jour, on lui propose, à lui qui n’avait rien, une place de maître de chapelle dans le palais de l’empereur d’Autriche : appointements élevés, résidence agréable, soins attentifs, nul souci de l’avenir, nuls risques de perdre ce poste, tout était réuni. Donizetti occupait déjà, dans la même résidence, une charge à peu près semblable, charge qui lui rapportait beaucoup et qui lui coûtait à peine une perte de temps. Berlioz refusa. Il voyageait en Allemagne à ce moment-là ; sur le point de prendre une détermination il se tourne vers sa patrie, les yeux mouillés de larmes : — « Quoi ! s’écrie-t-il, je ne te reverrai jamais (c’était dans les conditions du contrat) ; je n’aurai plus la liberté d’aller me faire traîner aux gémonies dans la fange de tes boulevards et sur les gradins de tes cirques ! Mais je mourrais d’ennui, là-bas, au sein de mon opulence ! » — Puis, s’adressant à ses amis, Desmarets, d’Ortigue, Dietsch, Schlesinger : — « O mes amis ! je m’aperçois que je vous aime plus que tout au monde et que je ne peux pas me séparer de vous ! » — Là-dessus, il repoussait les présents d’Artaxerce et reprenait avec joie le chemin de cette France adorée et maudite, qui, ayant parmi ses enfants le plus grand symphoniste