Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/186

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qu’à aller m’asseoir au coin d’une borne et à y mourir de faim comme un chien perdu, ou à me faire sauter la cervelle. On n’a pas encore fait un acte ni dit un mot qui puisse fournir un argument contre mes prévisions. Mais enfin, comme il en serait de même ici, après l’époque où je n’aurai plus rien à y faire, autant vaut-il crever à Paris qu’ailleurs.

Adieu ; quoi qu’il en soit de mon horrible position et de la certitude que j’ai d’être de trop dans le monde, croyez à toute ma reconnaissante amitié et à la confiance que j’ai dans la vôtre.


XLV.

À M. GUILLAUME LENZ, A SAINT-PÉTERSBOURG.


Paris, 22 décembre 1848.

Comment ! si je m’en souviens… Il faudrait que j’eusse à la fois bien peu de cœur et bien peu de mémoire pour ne pas m’en souvenir !… Et nos parties de billard, chez M. le comte Michel[1], parties que nous faisions avec tant de calembours et force carambolages de mots ! et tant de cigares fumés, tant de bière bue, tant d’opinions musicales débattues. Non, mon cher monsieur, je n’ai rien oublié, et je vous prie de n’avoir point à mon sujet de ces idées calomniatrices.

Je vous écrirais mille folies, si le ton de votre lettre n’eût été un peu triste : vous m’y parlez, à la façon d’un

  1. Le comte Michel Wielhorski, grand échanson à la cour de Russie, amateur de musique et connaisseur distingué.