Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/27

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rien de commun avec les aventures de Saul sur le chemin de Damas. Quand on a, dès l’âge le plus tendre, tracé des notes sur du papier réglé, organisé des orchestres de famille, cherché des mélodies sur des paroles de Florian, trouvé le thème principal qui servira au largo de la Symphonie fantastique, on n’attend pas les Danaïdes pour savoir qu’on est musicien jusque dans les dernières fibres de son cœur. Notre héros s’est donc calomnié en prétendant qu’à un moment donné, « il allait devenir un étudiant comme tant d’autres, destiné à ajouter une obscure unité au nombre désastreux des mauvais médecins ». Allons donc ! est-ce qu’une organisation comme la sienne pouvait s’ignorer ainsi ? est-ce que Catel, Rameau et Orphée n’avaient pas laissé de traces dans cette mémoire volage ? Une vocation qui s’égare n’est point une vocation ; l’homme marqué pour telle ou telle entreprise marche à son but sans détourner les yeux, sans s’arrêter aux bagatelles de la route, sans se préoccuper de l’avenir, sans s’inquiéter des obstacles. Connaissant l’intensité de tendresse avec laquelle Berlioz a aimé son art, je ne veux point admettre les défaillances ; et, s’il n’y a pas eu défaillances, il n’y a eu ni conversion, ni coup de foudre, ni rien qui y ressemblât.

Décidé à se faire compositeur de musique à ses risques et périls, Hector manda à son père la résolution qu’il venait de prendre et entra au Conservatoire dans la classe de Lesueur. Personne ne connaît Lesueur aujourd’hui. C’était pourtant, sous la Restauration et sous le premier Empire, un homme considérable, membre de l’Institut, correspondant d’un grand nombre d’académies, et les divers gouvernements qui s’étaient succédé en France l’avaient tous accablé de leurs faveurs. Après la représentation des Bardes, Napoléon lui avait donné une tabatière d’or ; Louis XVIII et Charles X l’avaient conservé comme surintendant de la chapelle