CXVII
À PAUL SMITH[1].
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Paris, 28 septembre 1862.
Vous êtes un terrible homme. Votre article sur mon petit livre A travers chants contient, au début, un des plus atroces mots à double détente que des gens de notre profession aient jamais trouvé. J’en suis la victime, mais je l’admire et je vous l’envie. L’art avant tout !
Eh bien, voyez quelle est ma bonté d’âme et mon amour pour la famille des gens d’esprit : si je rencontrais jamais un mot de cette subtile férocité qui vous fût applicable, je ne vous l’appliquerais pas, non, croyez-moi ; je le mettrais à l’adresse de quelqu’un de mes ennemis, qui, on le sait, ne sont pas de votre famille.
Quel est donc ce mot à la congrève, diront quelques gens qui ne voient pas aussi loin que leur nez ? Je ne suis pas assez… ennemi de moi-même pour le dire. Qu’ils cherchent ! En tout cas, je vous le pardonne, parce qu’il est beau, et que vous ne l’avez pas fait exprès. Mais ce que
- ↑ C’était M. Édouard Monnais qui écrivait sous ce pseudonyme dans la Gazette musicale. Il avait fait un article très bienveillant sur le livre intitulé A travers chants. L’apostrophe de Berlioz l’émut beaucoup ; il chercha vainement le mot à double détente qui avait excité les susceptibilités de son ami ; il ne le trouva pas. Nous l’avons cherché, nous aussi, ce mot terrible ; nous ne l’avons pas découvert non plus.