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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/308

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Je voudrais bien, comme tu le dis, passer quelque temps à ton bord, sous le grand œil du ciel et loin de notre petit monde ; et je te l’eusse déjà proposé, si je n’étais retenu par les liens de Gulliver, la santé, l’argent, le mal de mer, mes petites places.

Je me suis levé aujourd’hui. On a trouvé le moyen de me replonger dans la musique, et le remède a opéré. Madame Demeur est venue me prier de lui apprendre son rôle d’Armide qu’on a mis à l’étude au Théâtre-Lyrique, et Carvalho est venu de son côté me demander de diriger ses répétitions. Je ne suis pas sûr qu’on parvienne à se tirer d’une si énorme tâche. Personne n’en connaît une mesure, ni un mot, ni une intention. Il faut, tout leur apprendre ; chacun marche à tâtons et patauge dans ce sublime. Alors, tous les jours madame Charton vient chez moi avec Saint-Saëns, le grand pianiste que tu connais et qui sait fort bien son Gluck, et nous travaillons à remonter cette pauvre femme, qui se décourage et qui ne comprenait RIEN d’abord à son rôle.

Tu sauras que le ministre des beaux-arts vient d’augmenter les appointements des professeurs du Conservatoire et que les miens ont été doublés. Ainsi, au mois de mars prochain, au lieu de 118 francs par mois, je toucherai 236 francs. Cela m’aidera beaucoup.

J’ai à recevoir pour toi, ce mois-ci, trente francs pour un semestre de deux obligations ottomanes que j’ai achetées sur ton argent. Dans six mois, encore autant.

Te voilà rentier. Adieu, cette lettre m’a diablement fatigué. Quand espères-tu venir me voir ?