Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/326

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que la mer la remplisse. Au lieu que chez un ami, chez le meilleur ami, on est exposé à des attentions, à une foule d’attentions insupportables. On vous demande comment vous avez passé la nuit, et jamais comment vous passez l’ennui. On vous offre du café, on vous fait admirer une foule de choses ; on rit quand vous dites une bêtise, on vous questionne du regard quand vous êtes triste ou gai ; on vous parle quand vous causez avec vous-même ; et puis le mari dit à sa femme : « Mais laisse-le donc, tu vois bien qu’il ne veut pas dire un mot, tu le tourmentes. » Et alors on prend son chapeau et on sort, et, en sortant, on ferme la porte trop fort. Et l’on se dit : « Allons bon, voilà que je suis un grossier maintenant… Je m’impatiente des attentions qu’on a pour moi ; je vais être la cause d’une querelle conjugale, etc., etc. » — Dans la grotte de Caliban, au contraire, on ne risque pas de fermer la porte trop fort et par là on évite les conséquences de la brutalité.

Enfin, n’importe ! Vous vous promenez donc beaucoup sur la terrasse, sous les allées d’arbres ?… Et après ? Vous admirez les couchers de soleil ?… Et après ? Vous respirez la brise de mer ?… Et après ? Vous regardez pêcher toutes sortes de thons ?… Et après ? Vous enviez de jeunes Anglaises qui ont des milliers de livres sterling de revenu ?… Et après ? Vous enviez davantage des imbéciles sans idées, sans le moindre sentiment, qui ne comprennent rien, qui n’aiment rien… Et après ?

Eh ! mon Dieu, je vous en offre autant. Il y a aussi des terrasses et des arbres à Paris ; on y voit aussi des couchers de soleil, des Anglaises, des imbéciles, plus même qu’à Nice, la population étant beaucoup plus grande ; on y pêche