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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/35

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le second lauréat de l’Institut était Alexandre Montfort, auquel on doit un ballet pour Fanny Essler, la Chatte métamorphosée en femme, et trois ou quatre opéras comiques dont le meilleur, Polichinelle, n’est guère bon.

Le séjour de Berlioz à Rome ne le réconcilia point avec la musique italienne, qu’il détestait ; à la villa Médicis, au café Gréco, il forma avec Liszt, Mendelssohn, une bande à part, connue sous le nom de Société de l’indifférence en matière universelle[1]. Mendelssohn, aussi excellent pianiste que grand compositeur, régalait d’harmonie les pensionnaires du gouvernement ; ceux-ci l’arrachaient souvent à ses travaux et l’on flânait, de compagnie. On causait de Beethoven, de Schiller, de Gœthe, de Haydn, de Mozart ; en sa qualité d’Allemand, Mendelssohn s’imaginait de bonne foi que le génie universel était concentré entre les rives de la Sprée et les montagnes du Tyrol : en dehors de l’Allemagne, point de salut. Jaloux comme un tigre, peu bienveillant avec ses confrères, il ne soupçonnait guère que le garçon nerveux et anguleux, au profil d’aigle, qui cheminait à côté de lui dans la rue du Corso, lui disputerait un jour les palmes de la gloire musicale, qu’il échangerait des présents avec lui, et qu’il lui donnerait l’accolade coram populo, avec plus ou moins de sincérité : — « Berlioz, écrivait-il, en 1831, est une vraie caricature, sans ombre de talent, cherchant à tâtons dans les ténèbres et se croyant le créateur d’un monde nouveau ; j’ai parfois des envies de le dévorer…[2]. » Doux enfant de la Germanie ! C’est le même Mendelssohn qui, après un concert où Berlioz avait fait entendre des symphonies gigantesques, jouées par des masses d’exécutants,

  1. Voir la lettre XXV adressée à Liszt.
  2. Correspondance de Mendelssohn, traduite par M. A.-A. Rolland, p. 127.