Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/373

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J’ai été reçu dans ma famille comme je m’y attendais, avec beaucoup d’affection. Je n’ai point eu à essuyer de la part de ma mère de ces malheureuses et inutiles remontrances, qui ne faisaient que nous chagriner l’un et l’autre ; cependant papa m’a recommandé, par précaution, de ne jamais parler musique devant elle. J’en cause, au contraire, très-souvent avec lui. Je lui ai fait part de vos curieuses découvertes, que vous avez bien voulu me montrer, sur la musique antique. Je ne pouvais pas venir à bout de lui persuader que les anciens connussent l’harmonie ; il était tout plein des idées de Rousseau et des autres écrivains qui ont accrédité l’opinion contraire. Quand je lui ai cité le passage latin de Pline l’ancien, dans lequel il y a des détails sur la manière d’accompagner les voix et sur la facilité que l’orchestre peut avoir à peindre les passions par le moyen de rhythmes différents de celui de la vocale, il est tombé des nues et m’a avoué qu’il n’y avait rien à répliquer à une pareille explication. Cependant, m’a-t-il dit, je voudrais avoir l’ouvrage entre les mains pour être bien convaincu.

Je n’ai encore rien fait depuis que je suis ici. D’abord, je n’ai pas été maître de mon temps pendant les premières semaines. Les visites à recevoir et à rendre, dans une petite ville où tout le monde se connaît, me l’absorbaient presque en entier. Puis, quand j’ai voulu me mettre à cette messe dont je vous avais parlé, je suis demeuré si froid, si glacé en lisant le Credo et le Kyrie, que, bien convaincu que je ne pourrais jamais rien faire de supportable dans une pareille disposition d’esprit, j’y ai renoncé. Je me suis mis à retoucher cet oratorio du Passage de la