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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/380

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les artistes s’y sont mis, la grêle d’archets est tombée sur les violons, les basses, les pupitres. J’ai failli me trouver mal ; cette bourrasque inattendue m’a bouleversé. Je tremblais comme vous pouvez le penser ; mais vous me manquiez. J’étais seul de la famille dans un tel moment ; tout le monde m’embrassait, tout le monde… excepté mon père, ma mère, mes sœurs !

La séance a été terminée par mon chœur du Jugement dernier, qui a produit presque autant d’effet que l’ouverture des Francs-Juges. Je n’avais pas assez de voix ; l’orchestre les écrasait.

Quand tout a été fini, que j’ai cru les issues libres, je suis sorti ; mais les artistes m’attendaient dans la cour du Conservatoire, et en me voyant passer les cris ont recommencé. Hier soir, à l’Opéra, tous les musiciens sont venus me complimenter, me féliciter. Enfin, j’ai obtenu un grand succès qui m’a complétement satisfait. Le Figaro d’aujourd’hui a rendu compte de mon concert ; je vous l’enverrai avec les autres journaux.

Eh bien ! depuis hier, je suis d’une tristesse mortelle ; j’ai envie de pleurer ; je voudrais mourir. Je sens que le spleen va me reprendre plus fort qu’auparavant. Il faut, je crois, que je dorme beaucoup. Je ne puis lier mes idées.

Adieu, mon cher papa, j’embrasse maman, et vous, et mes sœurs, et mon frère.