Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/382

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solidement soutenu pour me permettre d’écrire comme je sens, au lieu de me contraindre comme l’année dernière. Le sujet était la Mort de Cléopâtre, qui me paraissait grand et neuf, et que je n’ai pas résisté à écrire… et c’est là mon tort ! ..

Tous ces messieurs étaient bien disposés pour moi : mais ils ne m’ont pas compris, et pour les musiciens, mon ouvrage a été une sorte de satire de leur manière.

Je viens de rencontrer Boïeldieu sur le boulevard. Il est tout de suite bonnement venu à moi et m’a tenu conversation pendant une heure.

— Oh ! mon ami ! qu’avez vous fait ? nous comptions tous vous donner le prix. Nous pensions que vous seriez plus sage que l’année dernière, et voilà qu’au contraire vous avez été cent fois plus loin en sens inverse. Je ne puis juger que ce que je comprends : aussi, suis-je bien loin de dire que votre ouvrage n’est pas bon ; j’ai déjà tant entendu de choses que je n’ai comprises et admirées qu’à force de les entendre ! Mais, que voulez-vous ? je n’ai pas encore pu comprendre la moitié des œuvres de Beethoven. Vous avez une organisation volcanique au niveau de laquelle nous ne pouvons pas nous mettre.

D’ailleurs, je ne pouvais m’empêcher de dire à ces messieurs hier : — Ce jeune homme, avec de telles idées, une semblable manière d’écrire, doit nous mépriser du plus profond de son cœur. Il ne veut absolument pas écrire une note comme personne. Il faut qu’il ait jusqu’à des rhythmes nouveaux ; il voudrait inventer des modulations si c’était possible. Tout ce que nous faisons doit lui paraître commun et usé !…