Aller au contenu

Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


À M. ERNST[1].

Paris, 8 mai 1849.

Mon cher Ernst,

Je vous remercie de votre lettre, j’étais impatient d’avoir de vos nouvelles. Vous n’êtes pas mort, bon ! moi je suis malade d’ennui, de dégoût de Paris et de tout ce qui s’y tripotte ; je suis d’une humeur de chien, je voudrais m’en aller et je ne puis pas bouger, et j’ai des feuilletons à faire… ah ! les Plaies d’Égypte ne sont rien en comparaison de celle-là. J’avais écrit à Maurice Barnett à votre sujet ; le connaissez-vous ? Il rédige le Morning Post ; c’est un excellent homme. Comment va Halle ? et Dawson ? et Vivier ?… Quel temps ! il a plu hier à emporter les maisons ! maintenant, il fait presque froid. J’ai mal à la tête, damné feuilleton ! je ne le commencerai pas, voici huit jours que je recule, je n’ai pas la moindre idée sur le sujet qui m’est imposé… Quel métier !… Où trouver du soleil et du loisir ? être libre de ne penser à rien, de dormir, de ne pas entendre pianoter, de ne pas entendre parler du Prophète, ni des Élections, ni de Rome, ni de M. Proudhon, de regarder à travers la fumée d’un cigare le monde s’écrouler…, d’être bête comme dix-huit représentants…

Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! quel sacré monde vous nous avez fait là ! Vous fûtes bien mal inspiré de vous reposer

  1. Communiquée par M. Émile Laurent.