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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/40

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aimée. Elle consentit à recevoir son adorateur, elle lui permit d’espérer ; mais une union projetée dans des conditions aussi étranges ne se noue pas sans des alternatives de beau temps et de tempêtes, d’espoir et de désespoir. Il faut sans doute rapporter à quelque péripétie orageuse le billet qu’on va lire :

À MADEMOISELLE HENRIETTE SMITHSON.

Rue de Rivoli, Hôtel du Congrès.

« Si vous ne voulez pas ma mort, au nom de la pitié (je n’ose dire de l’amour), faites-moi savoir quand je pourrai vous voir.

« Je vous demande grâce, pardon, à genoux, avec sanglots !!!

« Oh ! malheureux que je suis, je n’ai pas cru mériter tout ce que je souffre, mais je bénis les coups qui viennent de votre main.

« J’attends votre réponse comme l’arrêt de mon juge[1].

« H. Berlioz. »

Agité par ces fiévreuses secousses, Berlioz s’échappait dans la campagne pour oublier les tourments qui le consumaient ; Liszt et Chopin le suivirent, toute une nuit, à travers la plaine Saint-Ouen. Dans une de ces pérégrinations, un soir, avant son départ pour l’Italie, il s’était endormi sur l’herbe gelée, scintillante de perles, en face de l’île de la Grande Jatte et du parc de Neuilly. Une autre fois les garçons du café Cardinal n’osaient le réveiller, pendant qu’il sommeillait, épuisé, le front sur une table de marbre. Pendant une semaine entière, on crut à son suicide ; il

  1. Lettre communiquée par M. Alexis Berchtold.