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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/43

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vie d’un joueur. Je n’ai besoin pour faire comprendre mes pensées dramatiques, ni de paroles, ni de chanteurs, ni d’acteurs, ni de costumes, ni de décorations. Tout cela, messieurs, est dans mon orchestre ; vous y verrez agir mon personnage, vous l’entendrez parler, je vous le dépeindrai des pieds à la tête ; à la seconde reprise du premier allegro, je veux vous apprendre même comment il met sa cravate. O merveille de la musique instrumentale ! Mais je vous en ferai voir bien d’autres dans ma seconde Symphonie sur le code civil. Quelle différence, messieurs, d’une musique comme celle-là, qui se passe de mille accessoires inutiles au vrai génie et n’a besoin pour se faire comprendre que de… trois cents musiciens ! Quelle différence, dis-je, avec les ponts neufs de Rossini ! Oh ! Rossini ! ne me parlez pas de Rossini ! un intrigant qui s’avise de faire exécuter sa musique dans les quatre parties du monde pour se faire une réputation !… Charlatan !… Un homme qui écrit des choses que comprendra le premier venu ! Tenez, c’est abominable ; et pour moi, la musique de Rossini est une chose ridicule ; elle ne me fait aucun effet, mais aucune espèce d’effet, voilà l’effet qu’elle me fait[1]. »

Dans la Caricature, un journaliste anonyme publiait un article intitulé : le Musicien incompris : « Le musicien incompris méprise profondément ce qu’on nomme vulgairement le public ; mais en compensation il n’a qu’une médiocre estime pour les artistes contemporains. Si vous lui nommez Meyerbeer : — Hum ! hum ! il a quelque talent, je ne dis pas, mais il sacrifie à la mode. — Et M. Auber ? — Compositeur de quadrilles et de chansons. — Bellini, Donizetti ? — Italiens, Italiens, musiciens faciles, trop faciles. — Par exemple, s’il traite très-cavalièrement le présent, il a une grande vénération pour tout ce qui date d’un siècle ; et quand

  1. Gazette musicale, année 1835, p. 23.