Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/61

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« Votre lettre, répondirent-ils, nous a causé de la surprise et du regret. Les termes affectueux dans lesquels vous l’avez conçue ne nous permettent pas de vous supposer le moindre ressentiment des lenteurs involontaires qui ont retardé la conclusion de nos conventions. Nous aimons à penser que vous n’avez pas voulu étouffer votre génie musical dans les limites d’une place qui a quelque chose d’administratif, et que vous préférez, à votre âge, dans toute la force de votre talent, courir toujours les nobles aventures de l’art. Quant à notre regret, il est sincère ; cela nous servait et nous honorait de mettre à la tête d’un de nos services les plus importants le nom d’un homme qui rattache à lui toutes les idées de progrès et de rénovation. Nous perdons un de nos plus glorieux drapeaux pour la campagne que nous entreprenons ; il nous reste à compter sur les bonnes promesses qui terminent votre lettre et à espérer qu’elles ne seront pas vaines[1]. »

De quelles promesses était-il question ? Nous l’ignorons ; elles furent emportées avec tant d’autres dans le tourbillon de la révolution de 1848. La saison musicale, à Drury-Lane, s’ouvrit par une représentation de Lucia de Lammermoor, jouée par madame Dorus Gras, le baryton Pischek, le tenor Reeves et la basse Withworth. En même temps, on donnait le Génie du Globe, ballet de la composition de M. Maretzek, maître du chant, audit théâtre[2]. La salle était peu garnie ; Lucia, opéra fort démodé, même en Angleterre, n’attirait plus la foule, et Berlioz, qui avait fait une mauvaise affaire en liant sa destinée à celle de Jullien, devina que cette équipée se terminerait par une banqueroute. Ses prévisions ne tardèrent pas à se réaliser ; pour comble

  1. Gazette musicale, année 1847, p. 294.
  2. Ibid., p. 403.