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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/67

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Roméo et Juliette ; voilà tout, ou à peu près tout. Ah ! j’oubliais !… Il surveille les répétitions d’Alceste ; quoique inspirant peu de confiance à l’administration de l’Opéra, on le juge capable de remplir cette besogne d’obscur manœuvre.

Pendant ce temps, un nouveau théâtre lyrique s’élevait sur les rives de la Seine, et les faiseurs de partitions, si délaissés d’ordinaire, commençaient à espérer qu’on allait enfin s’occuper d’eux. Le livret des Troyens, lu dans divers salons, y avait rencontré une approbation unanime ; même l’empereur Napoléon III, ayant entendu parler de la chose, invita Berlioz à dîner ; mais on causa de la pluie et du beau temps : « Je me suis splendidement ennuyé ! » écrivit le lendemain le convive de Sa Majesté Impériale. — À un autre dîner mensuel où se réunissaient MM. Fiorentino, Nogent-Saint-Laurens, Édouard Alexandre, Paul de Saint-Victor, Carvalho, on s’inquiéta plus sérieusement de Didon et d’Énée ; M. Carvalho, le directeur du Théâtre-Lyrique, n’avait pas besoin d’encouragement ; il connaissait l’œuvre, il l’admirait et il comptait bien la révéler aux masses, comme il avait révélé Faust.

La première représentation des Troyens fut assez calme ; les spectateurs qui se souvenaient de Benvenuto Cellini s’attendaient à des péripéties ; le divertissement de la Chasse causa seul quelques rires, dus plutôt à l’interprétation de ce ballet qu’aux modulations hardies de l’orchestre. En revanche, l’air de Didon au premier acte, le fameux septuor et le duo : Nuit d’ivresse et d’extase… allèrent aux nues, alle stelle. Certains opéras modernes contiennent des morceaux plus soutenus, plus amples, que le septuor des Troyens, mais aucun de ces morceaux ne peut soutenir la comparaison avec lui au point de vue du sentiment pittoresque et de l’originalité poétique. C’est un diamant qui brille d’un éclat inouï ;