Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/82

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Non, je veux vivre… encore… ; la musique est un art céleste, rien n’est au-dessus, que le véritable amour ; l’un me rendra peut-être aussi malheureux que l’autre, mais au moins, j’aurai vécu… de souffrances, il est vrai, de rage, de cris et de pleurs, mais j’aurai… rien… Mon cher Ferdinand !… j’ai trouvé en vous tous les symptômes de la véritable amitié, celle que j’ai pour vous est aussi très vraie ; mais je crains bien qu’elle ne vous donne jamais ce bonheur calme qu’on trouve loin des volcans… hors de moi, tout à fait incapable de dire quelque chose de… raisonnable… il y a aujourd’hui un an que je la vis pour la dernière fois… Oh ! malheureuse ! que je t’aimais ! J’écris en frémissant que je t’aime !…

S’il y a un nouveau monde, nous retrouverons-nous ? .. Verrai-je jamais Shakespeare ?

Pourra-t-elle me connaître ?…

Comprendra-t-elle la poésie de mon amour ?… Oh ! Juliette, Ophelia, Belvidera, Jeanne Shore, noms que l’enfer répète sans cesse…

Au fait !

Je suis un homme très malheureux, un être presque isolé dans le monde, un animal accablé d’une imagination qu’il ne peut porter, dévoré d’un amour sans bornes qui n’est payé que par l’indifférence et le mépris ; oui ! mais j’ai connu certains génies musicaux, j’ai ri à la lueur de leurs éclairs et je grince des dents seulement de souvenir !

Oh ! sublimes ! sublimes ! exterminez-moi ! appelez-moi sur vos nuages dorés, que je sois délivré !…

La Raison.

« Sois tranquille, imbécile, dans peu d’années, il ne sera