Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/104

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fleur avec un dernier ioreana tout plein de regrets, et retournent à terre. L’équipage ne débarquera que dans deux heures. Et M. Page, assis à tribord, contemple, en attendant, les merveilleux aspects de ce paradis terrestre où il va régner, où il va vivre pendant plusieurs années, respire avec ivresse la tiède brise qui en émane, boit un jeune coco et dit : « Quand je songe qu’il y a maintenant à Paris, par trente-cinq degrés de chaleur, des gens qui entrent à l’Opéra-Comique, et qui vont y rester encaqués jusqu’à une heure du matin, pour savoir si Pierrot épousera Pierrette, pour entendre ces deux petits niais crier leurs amours avec accompagnement de grosse caisse, et pour pouvoir le surlendemain informer les lecteurs d’un journal des difficultés vaincues par Pierrette pour épouser Pierrot ! Quels enragés antiabolitionnistes que ces directeurs de journaux ! »

Oui, quand je songe qu’on peut faire cette judicieuse réflexion à quatre mille lieues, à nos antipodes ! dans un pays assez avancé en civilisation pour se passer de théâtres et de feuilletons ; où il fait si frais ; où les jeunes belles portent de si élégants costumes sur leur tête ; où une reine peut dormir ! je me sens cramoisir de honte de vivre chez un de ces peuples enfants que les savants de la Polynésie ne daignent pas même visiter…

Trop misérables critiques ! pour eux l’hiver n’a point de feux, l’été n’a point de glaces. Toujours transir, toujours brûler. Toujours écouter, toujours subir. Tou-